Carlos Santamaría y su obra escrita

 

Responsabilité et limites du Membre de Pax Christi à l'égard de la paix temporelle

 

Pax Christi, 1956-01-27

 

      Le problème qui se pose est très important car il ne serait pas légitime de concevoir notre mouvement comme une armée bien disciplinée dans laquelle toute initiative, toute liberté, toute prise de position proprement personnelle serait défendue. Chacun des membres de PAX CHRISTI a sa propre responsabilité. Il a aussi le droit et le devoir d'agir et d'opter, en tant qu'homme libre et que citoyen responsable, en fonction des événements politiques qui peuvent nuire ou aider à la paix temporelle, selon les données qu'il possède et les dictées de sa propre conscience[1].

      Le fait d'appartenir au Mouvement signifie sans doute qu'on a compris que la situation du monde n'est pas satisfaisante, du point de vue de la justice internationale, et qu'il y a quelque chose à faire dans ce domaine. En sorte que si, malgré les bons désirs que manifestent actuellement les hommes d'État, une nouvelle guerre éclatait, nous catholiques, nous serions responsables de n'avoir pas agi, de notre côté, pour éviter cette nouvelle catastrophe[2].

 

Le problème doit être posé dans le concret

 

      Il n'y a essentiellement qu'une seule paix, la paix dans la Vérité, la paix dans la Justice. Cela est trop évident pour le mettre en question. Mais dans la réalité, l'homme concret, le membre de PAX CHRISTI, c'est-à-dire chacun de nous, n'a pas à choisir entre des situations pures. Il n'a pas à choisir entre la Justice, la Vérité et la Paix d'une part et l'Injustice, l'Erreur et la Violence de l'autre (cette option ne poserait aucun problème), mais entre des situations impures dans lesquelles la Justice et l'Injustice, la Vérité et le Mensonge, la Paix et la Violence sont entremêlées, dans un enchevêtrement parfois inextricable[3].

      Un exemple: le cas de la coexistence. La coexistence n'est pas la paix, mais elle est, peut-être un chemin pour arriver à la paix. Moi, membre de PAX CHRISTI, agissant sous ma propre responsabilité, en tant qu'homme libre, je suis obligé de prendre une position au sujet de la coexistence. Dans ce choix je n'engage pas, évidemment, le Mouvement, je n'engage pas l'Église. Qu'est-ce que je dois faire? Inclinerai-je pour la coexistence, le désarmement et les relations amicales avec l'Est ou au contraire devrai-je rejeter l'idée de la coexistence comme un piège, et défendre le réarmement, la militarisation de l'Europe occidentale, comme le seul moyen de maintenir la paix? Quelle doit être mon option? De quelle façon servirai-je mieux la paix temporelle? Des deux côtés il peut y avoir de l'injustice, il peut y avoir danger de guerre. La chose n'est pas du tout claire[4].

 

Un faux dirigisme ecclésiastique à éviter. Les catholiques ont-ils conscience de leur responsabilité à l'égard de la paix internationale?

 

      Peut-être —quelques catholiques timides ou craintifs, se disent-ils à propos, par exemple, du cas de la coexistence— le mieux serait d'attendre que Rome parle: que le Pape me dise s'il est pour ou contre la coexistence et je le suivrai avec enthousiasme ou bien que le Mouvement PAX CHRISTI, placé sous la direction de la Hiérarchie me donne des consignes précises et j'agirai en conséquence.

      Cette attitude n'est pas valable. Elle est, au contraire, extrêmement déplorable, car ni l'Église, ni le Pape, ni le Mouvement PAX CHRISTI ne peuvent suppléer ma propre responsabilité. L'appartenance à l'Église ou l'appartenance au Mouvement ne peuvent jamais signifier la prétention de pratiquer l'évasion, c'est-à-dire de vouloir échapper à nos propres responsabilités personnelles d'hommes libres et de membres responsables de la communauté humaine, par un simple acte de grégarisme moral[5]. Chacun de nous doit donc faire face à ses propres responsabilités, mais pour cela il faut savoir en quoi elles consistent et quelles sont leurs limites[6].

      Peut-être, la conscience de la plupart des chrétiens n'est-elle pas suffisamment sensibilisée. Ce manque de sensibilité, cette espèce d'impassibilité morale fait peur: il est à craindre qu'une fois de plus la chrétienté ne manque à l'appel du Seigneur. La grande majorité des catholiques se met, par rapport aux problèmes de la paix, dans la même position où l'on se plaçait en face du problème social au XIXe siècle. «La misère, la faim, l'ignorance des pauvres gens, cela ne me concerne pas: c'est l'État qui doit résoudre ce problème. Moi, je satisfais mes dettes, je paye mes impôts, je donne à chacun son dû. Que l'État s'arrange donc pour éviter et corriger les plaies sociales». Aujourd'hui, il y en a beaucoup qui se placent dans la même position quant au problème de la paix.

 

Mais peut-on parler réellement, à juste titre, d'une responsabilité du simple citoyen à l'égard de la paix?

 

      Il y en a qui pensent que cette responsabilité est très limitée ou pratiquement inexistante.

      D'abord —disent-ils— «la question de la paix et de la guerre ce sont les hommes d'État, ce sont les chefs des gouvernements et les ministres des Affaires étrangères qui doivent la résoudre. Quant à vous, vous n'avez ni les données, ni les informations nécessaires pour intervenir. En faisant la propagande de la paix, même si vous la faites sous les auspices de la Hiérarchie, et avec les plus grands ménagements, vous troublez l'action des hommes d'État qui, eux, sont les vrais responsables de la paix mondiale».

      En second lieu il n'y a pas de responsabilités morales là où il n'y a pas de possibilités effectives d'agir.

      Â«Vous n'avez pas la possibilité de travailler d'une façon efficace pour la paix, vos efforts sont absolument inutiles et si vous croyez le contraire vous vous faites illusion. En fait, si les circonstances économiques ou stratégiques entraînent l'opportunité de la guerre, à un moment donné, soyez sûrs que la guerre viendra malgré tout. Les Américains ou les Russes déclencheront la guerre au moment opportun sans se soucier beaucoup des protestations ou des gestes des 'pacifistes'. Soit que vous habitiez dans un pays totalitaire où l'on ne reconnaît pas aux citoyens le droit de s'immiscer dans la direction de la politique, soit que vous soyez les sujets d'un pays démocratique où l'enchevêtrement des partis et des intérêts politiques et la complication du système de suffrages et de la machine étatique vous empêchent d'exercer une influence réelle sur la politique internationale de votre pays —en tout cas, vous n'avez pas le moyen de mener au but vos prétendues responsabilités. Or, sans possibilité il n'y a pas de responsabilité: possibilité inexistante ou illusoire, donc responsabilité inexistante ou illusoire, conclut-on».

      Mais il n'est pas vrai qu'une action réelle en faveur de la paix soit impossible pour les simples citoyens; on pourrait faire un long catalogue et il faudra bien qu'un jour ou l'autre on le fasse à PAX CHRISTI, des moyens de pacification réellement efficaces à long ou à court délai, à la portée de nous tous.

      Imaginez le cas d'un prêtre, d'un professeur, d'un journaliste, d'un écrivain, d'un homme politique, d'un étudiant, d'un ouvrier, qui s'emploie à fond au service de l'idée de la paix. Combien de possibilité et combien diverses: Je n'entrerai pas ici naturellement dans les détails.

      D'ailleurs, en face d'une situation de péché ou d'impossibilité morale collective il n'y a pas de solution immédiate, de solution toute faite. Ne croyons pas à une paix magique. Contre ces situations collectives d'inertie et de passivité en face du mal, il faut agir d'une façon patiente, tenace. Contre le péché collectif, les mesures autocratiques ne suffisent pas; il faut une action capillaire de personne à personne, d'homme à homme. Et voilà où se place la responsabilité de chacun de nous. Vous vous rappelez sans doute cette anecdote qu'on a racontée d'un orateur d'Amérique du Nord, qui, parlant dans une salle immense, devant un auditoire de plusieurs milliers de personnes, interrompt, à un moment donné, son discours pour ordonner que les lumières soient éteintes, de sorte que la salle soit plongée dans l'obscurité la plus complète. Après un moment de stupéfaction, chacun se rappelle: «Tiens, j'ai ici mes allumettes!» Le miracle s'opère alors. Un peu partout on voit brûler des petites flammes. Et la lumière resplendit de nouveau. C'est peu de chose, une allumette, par rapport à l'ensemble, mais par rapport à chacun c'est assez.

      Quand nous serons jugés. Dieu ne nous demandera pas pourquoi nous n'avons pas changé le monde. Il ne nous demandera que cela: «Pourquoi n'as-tu pas allumé ta petite allumette? Je ne te demandais pourtant pas autre chose». Il y a toujours une allumette à allumer, mais même si cette possibilité, pour minime qu'elle soit, n'existait pas, même si nous étions convaincus d'avance de l'inutilité de nos efforts, nous serions obligés d'agir[7].

 

L'inefficacité possible de nos efforts ne justifierait pas d'ailleurs une attitude de passivité

 

      La morale chrétienne n'est pas une morale de l'efficacité, au moins dans le sens d'une efficacité visible, temporelle, terrestre, immédiate. Cela ne veut pas dire qu'on ne tient pas compte des résultats, mais que la responsabilité et la valeur morale d'un acte ne peuvent pas être mesurées en fonction de son efficacité visible. Il y a des gestes qu'il faut faire, même si on est convaincu d'avance qu'ils seront pratiquement inutiles[8].

      D'autre part, le témoignage d'une seule personne ou d'un petit groupe de personnes en faveur d'une idée juste et noble, comme la paix, peut avoir un retentissement et une valeur morale hautement exemplaire, ainsi que des conséquences historiques importantes absolument imprévisibles d'avance.

      Le cas des catholiques sociaux du XIXe siècle en est un exemple. L'action de ce petit groupe d'hommes, prônant la justice sociale dans des milieux catholiques qui n'avaient aucunement conscience de leurs devoirs et qui se réclamaient d'un prétendu droit de propriété pour défendre les privilèges et les abus les plus injustes, n'a peut-être pas été immédiatement efficace, puisque ensuite ce sont les marxistes qui l'ont emporté. Mais cette action a été comme un symbole, un geste prophétique qui a sauvé pour ainsi dire l'honneur de l'Église; l'Histoire révèle qu'elle a eu aussi une efficacité réelle à longue échéance. Aujourd'hui, c'est peut-être la même chose à l'égard de nos devoirs supranationaux[9].

 

Le devoir personnel à l'égard de la paix est fondé sur la justice sociale universelle

 

      Comme nous l'avons dit, pour la plupart des chrétiens, le problème de conscience ne dépasse que très rarement le domaine privé, individuel et domestique. La justice commutative, on la comprend volontiers. On arrive même à concevoir une justice sociale visant les relations civiques et sociales dans le cadre de la cité, de la nation. Mais on ignore l'existence d'une justice sociale universelle, en vertu de laquelle, non seulement mon bien individuel doit être ordonné au bien de la patrie ou de la nation, mais le bien de ma patrie, le bien de ma nation, doit être aussi ordonné au bien commun temporel de l'humanité entière. L'ignorance de cette justice sociale universelle peut avoir des conséquences graves dans notre conduite personnelle.

      Un exemple concret: Imaginons le cas d'une personne, d'un citoyen qui exerce son droit de vote, en choisissant sur les listes électorales les noms des candidats qu'il considère comme les meilleurs pour le représenter au Parlement. Cette personne peut faire son choix du point de vue de son intérêt personnel, de son intérêt de famille, de classe, ou de groupe professionnel, sans se soucier du bien commun. Choix évidemment illégitime: en préférant son bien particulier ou le bien particulier de son groupe ou de son clan au bien commun de la Cité, cet homme commet une injustice; il manque à la justice sociale. Or, il se peut que ce citoyen, tout en étant un bon patriote, respectueux du bien commun de la Cité, n'aie aucun souci de la paix des nations et qu'il se dise, par exemple: voici le candidat qui donnera à ma patrie la situation la plus prospère, qui conduira mon pays à une situation de prééminence, de force, de richesse, d'influence, de domination sur les autres peuples. Cet électeur, qui fait son choix sans se soucier de la paix des autres peuples, de la misère des autres peuples, en somme, sans se soucier du bien commun de l'humanité, cet électeur manque aussi à la justice.

      La paix est, comme tout bien, «diffusive» par nature, mon bien, s'il est vrai, ne peut pas signifier le mal de mon prochain. La paix, la puissance, la richesse, le bien-être d'une nation ne peuvent pas signifier la guerre, la misère, la servitude des autres nations[10].

 

Le chrétien a-t-il une responsabilité spéciale à l'égard de la paix?

 

      Il y a un engagement et une responsabilité spécifiquement chrétienne pour la paix en raison des motifs, des moyens et des buts de la vie chrétienne. Cela ne signifie pas que la paix chrétienne soit, sous l'aspect temporel, une paix différente, une paix à part, une paix à nous seuls. La paix temporelle est un bien naturel, un bien moral, bien entendu, mais qui appartient à l'ordre naturel. Il est vrai que, à la lumière de la foi, nous voyons la paix temporelle sous un angle nouveau et que la concorde entre les races, les nations et les patries se présente à nos yeux comme une préfiguration et, ce qui est encore plus, comme une préparation et une anticipation du Royaume éternel. Il est vrai que pour nous, chrétiens, cette paix temporelle apparaît comme transfigurée, «transsubstanciée» par la grâce et par les vertus surnaturelles. Il est vrai, enfin, que pour le croyant, la paix temporelle est infiniment plus riche et plus profonde et plus désirable que pour l'incroyant.

      Mais tout cela ne signifie pas du tout que nous ayons le droit de nous isoler pour bâtir à part notre Cité Chrétienne. Cette mentalité isolationniste pourrait facilement gâcher toute notre action[11]. Tous les hommes de bonne volonté, tous ceux qui aiment vraiment la paix, et qui travaillent et qui se sacrifient réellement pour elle, méritent notre aide et notre sympathie. Car tous ces hommes-là, même s'ils ne sont pas chrétiens, réalisent une action noble et digne et accomplissent leur devoir moral en travaillant pour la paix et pour la concorde des peuples[12].

 

Le problème concret de la collaboration personnelle du membre de PAX CHRISTI dans les mouvements pour la paix

 

      Le problème qui se pose est celui de la collaboration personnelle du membre de PAX CHRISTI dans les mouvements pour la Paix de signification neutre ou équivoque, inspirés par des idéologies diverses, philanthropiques, humanitaristes, marxistes ou autres, en vue d'une concorde et d'une coexistence pacifique. Sous certains aspects, cette participation est désirable, car, comme nous l'avons vu, le catholique ne doit pas s'isoler pour faire son action pacifique à part. Mais en même temps elle présente des dangers et des risques que nous ne suarions pas ignorer. Le Mouvement PAX CHRISTI ne peut pas dénier à ses membres la liberté d'agir sur ce terrain-là, selon les indications de leurs propres consciences. Mais, bien entendu, cette liberté est limitée, à plusieurs degrés, par les conseils, les orientations, les enseignements, les ordres et la discipline de l'Église[13]. Car l'Église est comme une mère prudente et parfois elle est obligée de nous défendre et de nous protéger contre nous-mêmes, contre notre orgueil ou notre esprit d'aventure, ou contre les dangers qu'elle voit et que nous ignorons[14].

 

Le membre de PAX CHRISTI doit être obéissant à l'Église

 

      L'obéissance à l'Église est difficile à comprendre, pour ceux qui n'ont pas la Foi. Sans la Foi, elle serait, en effet, le comble de l'absurdité. L'obéissance est aussi un mystère, comme l'Église l'est elle-même. Mais comme elle est belle, et comme elle est aimable et sainte, la «petite obéissance»! Elle est, toutefois, un motif de scandale pour beaucoup de gens. Le Christ Lui-même n'a-t-il pas dit: «Heureux ceux qui ne sont pas scandalisés à cause de moi»?[15].

      Il y en a qui se scandalisent à propos de l'obéissance. «En vertu de quoi, se demandent-ils, l'Église fait-elle des difficultés à ce que nous nous engagions avec des hommes de toutes les idéologies, de toutes les croyances, pour une action commune en faveur de la paix, une action qui pourrait être cette fois définitive? On voit bien, poursuivent-ils, que l'Église ne veut pas sincèrement la paix. Elle veut sa paix à elle, mais elle ne veut pas notre paix à nous, la paix des hommes de bonne volonté».

      Ces griefs ne sont pas justes, mais comment le montrer aux incroyants et à ceux qui doutent de la bonne foi de l'Église? La chose n'est pas facile. Elle n'est pas facile, parce que, tout en employant le même vocabulaire, on parle aujourd'hui des langages différents. Le langage des chrétiens n'a aucun sens pour le monde d'aujourd'hui et les chrétiens n'arrivent pas à prendre au sérieux le langage du monde. Voilà la tragédie. Car si le monde ne veut pas apprendre le langage des théologiens et des hommes d'Église, il faudra bien que les théologiens et les hommes d'Église adoptent le langage du monde. Nous parlons justice sociale, nous parlons Paix et Droit naturel. Bien commun et Prudence politique. Beaux et riches concepts avec lesquels on a bâti la Chrétienté! Mais que signifient ces mots aujourd'hui pour des gens qui sont à côté de nous, qui sont peut-être nos concitoyens et nos amis? Que signifient ces mots pour l'athée ou le prolétaire, pour l'Arabe ou le communiste? Il faudrait arriver à les traduire dans un langage intelligible pour tous et voilà l'énorme difficulté. Un langage est plus qu'un langage. Il est une façon de concevoir la vie, ou plutôt une façon de vivre. Pour parler et comprendre le langage chrétien, il faut vivre chrétien. Alors, quand on pense chrétien, quand on aime d'un amour de Charité l'Église, l'attitude de celle-ci n'est pas difficile à comprendre[16].

 

La paix temporelle n'est pas le bien suprême

 

      Pour expliquer l'attitude de l'Église à l'égard de la Paix, il faut insister sur le fait que la paix temporelle n'est pas le Bien suprême. Le bien commun temporel n'est pas le bien suprême de la personne humaine. La paix et l'ordre des nations, ce sont sans doute des biens, mais des biens intermédiaires, dont nous devons nous servir pour réaliser le but suprême, éternel de notre vie. Ces biens ont donc leur valeur propre, mais une valeur qui n'est pas absolue. Il y aurait du désordre à préférer des biens inférieurs, par exemple, cette paix temporelle pour laquelle nous travaillons, à des biens supérieurs et l'Église nous le rappelle. De même, il y a du désordre à préférer le bien individuel au bien de la Cité, ou le bien de la Cité au bien temporel de l'humanité, il y en aurait aussi à préférer, en cas de conflit, le bien temporel au bien spirituel des âmes. Voilà le point de vue de l'Église[17]. Et voilà pourquoi l'Église se méfie: l'Église ne laisse pas en pleine liberté le chrétien pour réaliser son action «pacifique»; d'autres biens, supérieurs à la paix temporelle elle-même, sont peut-être en danger à cause de cette action. L'action pour la paix temporelle a donc des limites, justement parce qu'elle ne vise pas le Bien suprême.

      Dans toutes les vertus, il peut y avoir des exagérations, il peut y avoir des excès. Il y a une seule exception: c'est la Charité, parce que là l'objet est directement Dieu, qui est notre Bien suprême. On n'aime jamais Dieu suffisamment. On ne l'aime jamais trop. Mais on peut aimer trop la paix temporelle et cet amour serait alors un péché au lieu d'une vertu. La justice peut exiger parfois de renoncer à la paix temporelle et c'est alors que se présente cette horrible chose qui répugne à notre sensibilité, mais qui ne doit pas répugner à notre conscience morale, au moins en principe, comme hypothèse historique, cette terrible chose qu'est la violence juste, la guerre juste[18].

 

Le conflit pratique entre prophétisme et obéissance

 

      Naturellement, tout cela peut être clair en théorie, mais en pratique des conflits et des luttes de conscience peuvent se produire et se produisent souvent. Je le sais et je ne voudrais pas le passer sous silence. Dans le monde d'aujourd'hui, le point de vue de la subjectivité, de la conscience personnelle, devient de plus en plus important, et il faut s'en féliciter, car l'insincérité est un grand malheur pour la vie chrétienne. Des apôtres généreux, submergés dans une nuit obscure qui n'est pas nécessairement celle des mystiques, croient constater à l'heure présente une espèce d'opposition ou d'incompatibilité entre les attitudes de l'Église et l'intérêt des âmes[19].

      Sans doute, des luttes entre le devoir d'obéir et celui de suivre les inspirations de l'Esprit ont aussi agité dans le passé le coeur des saints réformateurs, mais la grâce a triomphé et l'obéissance surnaturelle l'a emporté sur l'esprit de révolte. Ces saints hommes et ces saintes femmes ne se sont pas contentés d'affirmer qu'il ne peut pas y avoir de vrai conflit entre l'obéissance à Dieu et l'obéissance à l'âme, car il n'y a qu'un seul Seigneur, le Seigneur qui conduit l'Église et Celui qui souffle dans les âmes. Cette affirmation de principe ne leur a pas suffi. Ils ne se sont pas réfugiés dans de rassurants théorèmes; ils ne se sont pas égarés dans des casuistiques facilitantes, ils n'ont pas recherché des raisons de routine, de commodité et de paresse. Ils ont vécu fortement, surnaturellement, leur tension; ils se sont réaffermis dans leur Foi; ils se sont alimentés de leur propre conflit intérieur, sans renoncer jamais ni à «leurs voix», ni à la sainte obéissance.

      Ceux qui paraissent plus ou moins scandalisés, à cause des limitations que l'Église impose à notre action pacifique, devraient s'inspirer de la conduite de ces saints. Le membre de PAX CHRISTI se doit à l'obéissance et à l'amour de l'Église; il se doit à la sagesse et à la prudence de l'Église plus qu'à sa propre prudence et à sa propre raison humaine[20].

      Or, cette affirmation ne doit pas être interprétée dans un sens unilatéral, équivoque, étroit, impersonnel, routinier. L'obéissance aveugle n'est pas du tout incompatible avec la lucidité. Elle ne l'est pas, non plus, avec le sens de l'efficacité naturelle et surnaturelle. Rappelons à ce propos que l'amour désordonné d'une créature contribue plutôt à sa destruction qu'à son bien. C'est le cas de la paix temporelle. Un pacifisme amoral, inspiré seulement par des raisons utilitaires ou sentimentales, en marge de la Hiérarchie des fins, ne contribue pas à la paix, elle la détruit plutôt dans ses racines. Il serait peut-être, en apparence, plus effectif, on pourrait agir sur un domaine humain plus large et réaliser plus expéditivement la paix temporelle, sans se soucier de la justice. Mais en réalité, la paix est mieux réussie par le pacifisme moral que par le neutralisme. Les limitations morales que l'Église inspire à l'action pacifique du chrétien, loin de restreindre les possibilités de cette action, la renforcent. Le chrétien obéissant est un meilleur défenseur de la paix que celui qui se réclame de sa liberté contre les ordonnances légitimes de l'Église[21].

 

Limitations imposées par le Mouvement à ses membres

 

      Notre Mouvement serait-il plus limitatif que l'Église elle-même? Le militant de PAX CHRISTI devrait-il observer des règles spéciales et plus restrictives que celles qui conditionnent d'ordinaire l'action du catholique?

      La réponse ne semble pas difficile, mais il faut d'abord préciser certains points, et particulièrement le sens du mot «mouvement» qui fut employé très judicieusement pour désigner PAX CHRISTI.

      Un mouvement, soit profane, soit ecclésial, n'est pas une association, dans le sens étroit du mot, ni, moins encore, un groupe, un parti, représentant une tendance déterminée, séparée d'autres tendances opposées, contre lesquelles elle se proposerait de lutter. Le mot «mouvement» désigne quelque chose de plus vaste et de plus vague, le reflet d'un état d'opinion en plein développement ou, peut-être, en germe; une action convergente autour d'un but très général, simple et fort désirable, capable de mobiliser des masses, et d'intéresser un grand nombre de personnes, par-dessus des particularismes de tout genre. Le Mouvement PAX CHRISTI ne saurait pas être le parti des chrétiens «pacifistes», s'élevant contre d'autres groupes ou d'autres tendances d'Église considérées comme bellicistes. Cela n'aurait pas de sens. Il ne représente non plus aucune tendance particulière, de droite ou de gauche, progressiste ou retardataire. Il répond, au contraire, à une idée très simple, à un élan commun de toute la Chrétienté, à une aspiration séculaire qui est de l'essence même du Message évangélique: la paix temporelle, la paix des peuples.

      PAX CHRISTI n'est donc que l'expression et l'épanouissement d'un état d'opinion qui existe dans l'Église en faveur d'une aspiration essentielle á tout le peuple chrétien. PAX CHRISTI n'est pas plus limité que l'Église elle-même. Sans doute, notre Mouvement n'arrivera jamais à prendre ses vraies proportions, mais il est voué à mobiliser l'ensemble de l'Église, en vue d'une oeuvre de miséricorde géante —la paix des peuples— c'est-à-dire un but temporel qui conditionne et qui est conditionné, d'une certaine façon, par la réalisation des fins naturelles et primordiales de l'Église elle-même.

      Or, dans le monde moderne, un mouvement ne pourrait pas subsister pendant très longtemps et devenir efficace sans un minimum d'organisation, d'unité et de forme. Le Mouvement PAX CHRISTI doit donc avoir une forme, une physionomie, une organisation. Il a besoin d'un règlement, de statuts plus ou moins définitifs et précis. Les membres de PAX CHRISTI, et surtout les dirigeants, sont soumis à des exigences concrètes de caractères divers, visant la pureté du Mouvement et la soumission de celui-ci au magistère et à la discipline de l'Église.

 

Divers cas possibles

 

      Mais il peut et doit y avoir une gradation de droits et de devoirs parmi les membres de PAX CHRISTI. A mesure qu'on s'approche de la tête du Mouvement, on est naturellement plus limité dans ce sens.

      Le cas d'un dirigeant n'est pas le même que celui d'un simple sympathisant qui n'a ni la même responsabilité, ni les mêmes devoirs. Même s'il ne le veut pas, l'attitude du dirigeant à l'égard de chaque problème concret engage plus ou moins le Mouvement dans son ensemble. A mesure que le Mouvement vit, il se fait une histoire, il prend une conformation déterminée, laquelle ne doit pas être en contradiction avec les principes qui l'inspirent, ni avec la grande liberté qui y doit régner, comme nous l'avons dit. C'est justement pour défendre la liberté des membres, et l'ouverture qui caractérise un vrai mouvement, que les dirigeants de PAX CHRISTI doivent être soumis à une discipline spéciale. Il leur est interdit d'appartenir à certaines organisations politiques ou parapolitiques pouvant conditionner ou gêner leur action ou la nuancer trop fortement dans un sens partisan[22].

      Le dirigeant doit faire à ce sujet le sacrifice d'une partie de son idéologie. Mais ce sacrifice est fécond, car il permet le libre épanouissement des autres dans la réalisation d'un objectif commun.

      Ces limitations peuvent aussi affecter parfois les simples sympathisants, tous ceux qui veulent avoir quelque chose en commun avec le mouvement, mais dans ce cas il s'agira de préceptes ou d'ordonnances d'Église de caractère général, plus spécialement applicables aux membres d'un mouvement comme le nôtre.

      Â«En résumé, dira-t-on, il semble qu'un chrétien pacifique fera mieux en restant libre qu'en participant au Mouvement PAX CHRISTI, car de cette façon il sera moins limité et il aura plus de possibilités pour son action». On ne nie pas que, dans certains cas, il se pourrait que cela fût vrai: il serait donc explicable que certains préfèrent rester en dehors du Mouvement pour s'engager plus librement dans une action politique ou autre, en faveur de la paix... Cela ne serait pas critiquable. Ils pourraient être encore des amis de PAX CHRISTI et sympathiser, du dehors, avec notre Mouvement. Ce qu'on pourrait discuter, en général, c'est l'efficacité d'une telle attitude. Il est vrai qu'un catholique, en s'engageant dans notre Mouvement, peut perdre une partie de sa liberté, surtout s'il assume des rôles dirigeants dans PAX CHRISTI. Mais cette perte sera fortement compensée par l'épanouissement de son action, par les avantages et l'efficacité d'une action commune en union visible avec les Pasteurs de l'Église[23].

 

Questionnaire et travaux

 

      A. — D'autres exemples devront être présentés d'une façon sommaire sur des cas concrets dans lesquels le membre de PAX CHRISTI est obligé d'opter en face d'événements politiques pouvant nuire ou faciliter la paix.

      B. — Une étude sur l'évolution de la conscience morale des chrétiens serait souhaitable. C'est une erreur de croire que, après la Pentecôte, les chrétiens avaient déjà une vision complète de toutes les exigences que la morale du Christ comporte en elle-même. Ils avaient, sans doute, sous l'inspiration de l'Esprit, conscience de leurs devoirs à ce moment-là, et cela leur suffisait. Mais la conscience morale chrétienne était encore embryonnaire. C'est en face des événements ultérieurs, des circonstances concrètes et, en somme, de l'évolution historique, que cette conscience s'est développée petit à petit. Cet épanouissement n'est pas encore terminé probablement. Nous ne devons pas croire que nous avons déjà conscience de toutes les exigences que la morale évangélique présentera aux hommes de l'avenir. Mais nous devons aspirer à avoir une conscience claire de ce que cette morale évangélique nous demande hic et nunc, aujourd'hui, en face des circonstances historiques.

      C. — a) Examiner les divers moyens de pacification qui sont à la portée de chacun des membres de PAX CHRISTI en fonction de sa profession et du rôle qu'il joue dans la société (prêtre, professeur, journaliste, écrivain, homme politique, étudiant, ouvrier);

      b) Possibilité d'action sur le plan politique dans un pays démocratique. Il sera intéressant de faire une étude à ce sujet dans la perspective de chaque pays;

      c) Position du chrétien en face d'un régime autoritaire qui ferait une propagande belliciste ou de calomnies contre d'autres peuples. Le cas se présentait, par exemple, dans l'Allemagne d'Hitler et il pourrait se présenter actuellement, ou dans l'avenir, dans des régimes ne reconnaissant pas la liberté de presse et d'opinion. Quel serait, dans ce cas, le devoir du chrétien ou du membre de PAX CHRISTI? et de quelle façon pourrait-il s'en acquitter?

      D. — Etudier le problème de l'efficacité temporelle du Christianisme à commencer par la notion même d'efficacité qui peut avoir un sens surnaturel, mais qui, acceptée sur le plan purement naturel, est étrangère au message évangélique.

      E. — Citer et étudier d'autres exemples pour montrer jusqu'à quel point il est important de prendre conscience de nos devoirs concernant la justice sociale universelle.

      F. — a) Etudier la perspective chrétienne de la paix temporelle à la lumière de la Foi, l'Espérance et la Charité;

      b) L'isolement des chrétiens, attitude blâmable;

      c) L'Église dans le monde.

      G. — Quelles sont les limitations imposées par l'Église et les dangers signalés par elle à l'égard du pacifisme. Faire une étude des conseils, orientations, enseignements, mandats de l'Église à cet égard.

      H. — a) Le mystère de l'obéissance;

      b) Le problème «kérygmatique» (diffusion du message). Comment expliquer notre obéissance aux non-croyants?

      I. — a) Etudier la notion du bien commun et la subordination du bien privé au bien commun et des différents biens qu'ils ont entre eux;

      b) La paix temporelle comme couronnement du bien des nations.

      J. — Caractères du vrai et du faux prophétisme. L'obéissance à l'Église, signe d'un vrai prophétisme.

      K. — Etude détaillée des limitations réglementaires qu'il faudrait poser aux diverses sortes de membres de PAX CHRISTI, en vue de l'unité, de la sûreté et de l'ouverture du Mouvement, et en vertu de la liberté des autres membres.

 

 

[Notes]

 

[1] Droit au pluralisme d'opinions.«Dans le domaine des opinions libres, il sera permis de discuter avec modération et dans le dessein de rechercher la vérité» (LÉON XIII- Immortale Dei).

        Â«S'il s'agit de questions purement politiques, comme de se prononcer sur le meilleur système de gouvernement on sur telle ou telle manière d'organiser les États, on peut se livrer à de libres et honnêtes discussions. Incriminer les catholiques, dont la piété et la résolution d'obéir filialement aux décisions du Saint-Siège sont d'ailleurs notoires, parce qu'ils professeraient sur ces divers points des sentiments différents des nôtres, cela constituerait une véritable injustice. On se rendrait plus coupable encore si, comme Nous avons eu le regret de le voir faire en plus d'une circonstance, on allait jusqu'à déclarer leur foi suspecte ou pervertie. Les écrivains, et particulièrement les journalistes, ne devront jamais perdre cette règle de vue». (LÉON XIII - ibid.).

        Â«Nous voudrions encore ajouter un mot relatif à l'opinion publique au sein même de l'Église (naturellement, dans les matières laissés à la libre discussion). Il ne peut y avoir à s'en étonner que ceux qui ne connaissent pas l'Église on qui la connaissent mal. Car enfin, elle est un corps vivant, et il manquerait quelque chose à sa vie si l'opinion publique lui faisait défaut, défaut dont le blâme reposerait sur les pasteurs et sur les fidèles...» (PIE XII - Adresse au Congrès international de la Presse catholique. Osserv. Romano, 18 février 1950).

        L'unité, dans le christianisme, n'aboutit jamais au nivellement. Nous sommes des âmes libres; nous sommes tous égaux en dignité devant Dieu, mais non en talents et en aptitudes parmi les hommes. Et c'est précisément cette diversité de dons complémentaires qui assure l'unité, la maintient et lui donne sa plus haute valeur en la fondant sur l'amour». (CARDINAL FELTIN - «L'unité dans l'Église». Lettre pastorale, carême 1952).

        La lettre du Cardinal constitue un commentaire, destiné à notre époque, de l'axiome traditionnel: «In necessariis, unitas; in dubiis, libertas; in omnibus, caritas». On se reportera utilement à ce document, pour un fondement theólogique et pastoral du «pluralisme» chrétien.

        Léon XIII montrait que cette diversité d'opinions ne signifie pas dispersion anarchique: «Dans la lutte où les plus grands intérêts sont en jeu, il ne faut laisser aucune place ni aux dissensions intestines ni aux passions de parti. Tous, au contraire, par une conspiration unanime des esprits et des volontés, doivent poursuivre le but commun, qui est la conservation de la religion et de la société. «Il faut cependant mettre au premier rang le soin de maintenir la concorde des volontés et de tendre à l'uniformité de la conduite. On obtiendra sûrement ces deux résultats, si chacun se fait une loi d'être soumis aux prescriptions du Siège apostolique et d'obéir aux évêques «établis par l'Esprit-Saint pour régir l'Église de Dieu».

        Â«La défense du christianisme réclame impérieusement que tous soient unanimes à croire et intrépides à professer les doctrines enseignées par l'Église». (LÉON XIII - Immortale Dei).

[2] Engagement dans le temporel.

        Cette responsabilité à l'égard de la Paix n'est qu'un corollaire ou une application particulière de la responsabilité du chrétien à l'égard du temporel en général.

        Quant au devoir d'engagement politique et social, voici un rappel succinct de quelques consignes:

        1º LES PAPES:

        Â«Dans la généralité des cas ainsi que nous l'avons dit), refuser de prendre aucune part aux affaires publiques serait aussi répréhensible que de ne coopérer en rien au bien commun; faute d'autant plus grave que la doctrine professée par les catholiques leur impose l'obligation de remplir intégralement et en conscience tous leurs devoirs de citoyens». (LÉON XIII - Immortale Dei).

        Â«... Pour que, dans toute la mesure du possible, ils fassent concourir ces institutions elles-mêmes au légitime et véritable bien public, soutenus par le constant désir d'infuser dans les veines de l'organisme social, comme une sève vivifiante et un sang réparateur, la sagesse et la vertu de la religion catholique». (LÉON XIII - ibid.).

        Qu'ils se servent des institutions publiques autant qu'ils le pourront faire en conscience, pour patronner les droits de la vérité et de la justice». (LÉON XIII - ibid.).

        Tout restaurer dans le Christ... Restaurer dans le Christ non seulement ce qui incombe à l'Église en vertu de sa divine mission qui est de conduire les âmes à Dieu, mais encore ce qui découle spontanément de cette divine mission, la civilisation chrétienne dans l'ensemble de tous et de chacun des éléments qui la constituent». (PIE X - Encyclique «Il Fermo Proposito», 11-6-1905).

        Â«Les hommes d'Action Catholique manqueraient gravement à leur devoir si, dans la mesure de leurs moyens, ils ne contribuaient à diriger la politique de leur province, de leur pays». (PIE XI - Lettre «Peculiari Quadam», aux évêques de Lithuanie. A.A.S. XX, 257).

        Â«L'Action Catholique n'empêche pas et ne peut pas empêcher ceux qui s'y consacrent de s'occuper chrétiennement et catholiquement de la vrai et bonne politique, celle qui étudie et promet le bien de la «cité». (PIE XI - Lettre au Cardinal Schuster, 26 avril 1931).

        Â«Un chrétien, conscient de sa responsabilité même envers le plus petit d'entre ses frères, ne peut se résoudre à une tranquillité paresseuse. Loin de se dérober, il agira, luttera contre l'inertie, dans cette grande bataille spirituelle dont le but est de construire la société, ou plutôt de lui donner une âme». (PIE XII - Message de Noèl 1942).

        Â«Sous couleur de défendre l'Église contre le risque de se fourvoyer dans la sphère du 'temporel', un mot d'ordre lancé il y a quelques dizaines d'années continue de s'accréditer dans le monde: retour au pur 'spirituel'. Et l'on entend par là la confiner étroitement sur le terrain de l'enseignement strictement dogmatique... lui interdire... toute intervention dans l'ordre civil et social... Comme si les mystères de la foi avec leurs richesses surnaturelles devaient s'abstenir... d'harmoniser la vie publique avec la loi de Dieu, de l'imprégner de l'esprit du Christ! Pareille vivisection est tout simplement anticatholique». (PIE XII - 11-9-47).

        2º L'EPISCOPAT:

        Â«Le chrétien a non seulement le droit, mais le devoir d''achever' la création, et de travailler à la cité d'ici-bas. Le temporel est une réalité blessée qu'il faut aimer d'un amour rédempteur». (Mouroux). (CARDINAL SUHARD - «Essor ou Déclin de l'Église». Carême 1947, pages 56-57).

        Â«Une communauté ne se maintient pas indéfiniment sur des problèmes à résoudre. Elle a besoin de pain, de maisons habitables, d'ateliers. votre strict devoir est d'y coopérer. Vous tenir à l'écart de ce labeur immense pour ne penser qu'u ciel, ce serait travestir votre destinée et renier Noèl où, pour sauver notre âme, un Dieu prit notre corpos. Vous croirez aux tâches temporelles». (CARDINAL SUHARD - Message du nouvel An 1947).

        Â«Nous demandons que, sur un terrain distinct du domaine apostolique de l'A.C., de nombreux laïcs catholiques, agissant comme citoyens, prennent hardiment leurs responsabilités personnelles dans l'action temporelle, qu'ils soient présents au monde moderne et qu'ils cherchent loyalement le bien propre de la Cité». (Déclaration de l'Ass. des Card. et Arch. de France, 28 février 1945).

[3] «Il y a lieu de distinguer ici, comme ailleurs, la théorie et la pratique, ou, pour parler un instant le langage scolastique, la thèse, c'est-à-dire la doctrine intégrale, applicable là où il y a unité de croyance catholique; et l'hypothèse, c'est-à-dire les tempéraments possibles qu'on est obligé d'admettre dans les pays où l'unité de croyance n'existe plus, comme cela a lieu dans les sociétés modernes, si divisées». (É. CHÉNON - Le Rôle social de l'Église. Bloud et Gay, Paris 1924).

        Â«Un surnaturel qui s'écarte, et surtout écarte la religion, des nécessités et des devoirs économiques et politiques, comme s'ils ne concernaient pas le chrétien et le catholique est chose malsaine, étrangère à la pensée de l'Église. PAX CHRISTI n'adopte pas cette attitude unilatérale. Au contraire, Nous croyons pouvoir Nous exprimer ainsi, il a pris son départ au coeur des nécessités sociales et politiques». (PIE XII, 13 septembre 1952 - Discours aux pèlerins de PAX CHRISTI).

[4] Voir Questionnaire nº A, page 71.

[5] Laïcat

        Ici encore, l'engagement du membre de PAX CHRISTI à l'égard de la paix temporelle s'éclairera par l'analyse de la notion du «laïcat» dans l'Église.

        A défaut d'une étude d'ensemble sur ce problème à la fois vaste et délicat, voici quelques éléments de réflexion et de documentation.

        A. - Quelques textes:

        Â«De même que nous avons plusieurs membres dans un seul corps, et que tous les membres n'ont pas la même fonction, ainsi, nous qui sommes plusieurs, nous ne faisons qu'un seul corps dans le Christ, et chacun pour sa part nous sommes membres les uns des autres; et nous avons des dons différents selon la grâce qui nous a été donnée». (Rom. XII, 6-8).

        Â«Il ne faudrait pas s'imaginer que cette structure harmonieusement distribuée, 'organique', comme on dit, de ce corps qu'est l'Église, soit parfaite et se définisse par les seuls degrés de la hiérarchie...» (PIE XII - Encyclique «Mystici Corporis», 29 juin 1943).

        Â«Les fidèles et plus spécialement les laïcs se trouvent aux premières lignes de la vie de l'Église; par eux, l'Église est le principe vital de la société humaine. Eux par conséquent, eux surtout, doivent avoir une conscience toujours plus nette, non seulement d'appartenir à l'Église, mais d'être l'Église, c'est-à-dire la communauté des fidèles sur la terre sous la conduite du chef commun, le Pape, et des évêques en communion avec lui». (PIE XII - Allocution au Sacré Collège, 20 février 1946).

        Voir en autre:

        a) Le compte-rendu du Congrès mondial de l'Apostolat des laïcs (2 vol. - Rome, Comité permanent du Congrès) et les discours de Pie XII aux congressistes dans Documentation Catholique, nº 1109 (2-12-51), col. 1497; nº 1110 (16-12-51), col. 1569. - Revue Nouvelle (15-12-51).

        b) L'allocution de Pie XII aux cardinaux et archevêques, 2 novembre 1954 (Doc. Cath., 14-11-54).

        Â«Il convient de se garder de reprendre des erreurs anciennes des formes nouvelles. Si l'Église médiévale a directement formé et façonné l'Europe politique, c'est qu'il lui avait fallu alors faire surgir du chaos l'ordre temporel lui-même: besogne de surcroît à laquelle elle ne pouvait se refuser, mais à laquelle elle ne s'est pas résignée dès l'abord sans appréhension légitime. Aujourd'hui, l'organisme temporel existe et hautement différencié. Ce n'est pas à l'Église, c'est aux chrétiens comme membres temporels de cet organisme qu'il appartient d'une façon directe et prochaine de la transformer et régénérer selon l'esprit chrétien. En d'autres termes, le clergé n;a pas à tenir les leviers de commande de l'action proprement temporelle et politique. La tâche propre de l'Action Catholique, comme elle ne cesse elle-même de le proclamer par ses organes autorisés, est de créer un état d'esprit essentiellement chrétien, et c'est seulement quand la politique touche à l'autel qu'elle a (par une sorte d'adaptation moderne de l'antique «potestas indirecta») à intervenir sur le plan politique. Dans l'ordre des activités strictement temporelles, sociales et politiques, il est normal que l'initiative vienne d'en bas, je veux dire des laïcs agissant à leurs risques et périls». (JACQUES MARITAIN - Humanisme intégral, pages 286-287).

        B — Bibliographie sur le Laïcat

        Chaque ouvrage ou article envisageant d'ordinaire les divers aspects du problème, il serait arbitraire de les classer par rubrique. Voici quelques références, par ordre alphabétique, dont les titre serviront déjà de fil conducteur:

        BALTHASAR (Hans urs von): Laïcat et plein apostolat. Version française, Liège-Paris 1949, Office Général du Livre, 103 pages. — BORNE (E.): De l'éminente dignité des laïcs dans l'Église. Vie Intellectuelle, décembre 1953. — CARYL et PORTIER: La Mission des laïcs dans l'Église. Lyon, Ed. Chronique Sociale, 198 pages. — CHAVASSE: Église et Apostolat. Castermann, 258 pages. — CONGAR (Y.): Qu'est-ce qu'un laïc? Supplément à La Vie Spirituelle, 15 novembre 1950. — Jalons pour une théologie du Laïcat. Ed. du Cerf, Paris 1953, 683 pages. — CONGAR et VARILLON: Sacerdoce et Laïcat dans l'Église. Paris, Ed. du Vitrail, 1947, 62 pages. — CROIZIER (P.): Devant l'ordre nouveau — Responsabilités et devoirs des catholiques. Paris, Spès, 1938, 221 pages. — DANIÉLOU: Essai sur le Mystère de l'histoire. Paris, Ed. du Seuil, 1953, 341 pages. — DECLERCQ (M.): Laïcat d'Église. Masses Ouvrières, nº 52, mars 1950. — DUBOURG (Mgr): Les Laïcs dans l'Église — Lettre pastorale. Voix Diocésaine de Besançon, 2 mars 1950. — ECONOMIE ET HUMANISME (Equipe): Inspiration religieuse et structures temporelles. Edit. Ouvrières, Paris 1948, 290 pages. FOLLIET (J.): Spiritualité du Laïcat, Foyers nº 6, nov.-déc. 1950. — Les Chrétiens au carrefour. Lyon 1947, Ed. Chronique Sociale. — HASSEVELDT (R.): La Mission de l'Église, du Sacerdoce et du Laïcat. Masses Ouvrières, nº 35, juillet 1948. — Initiation théologique, tome IV. Paris, Ed. du Cerf, 1954, 995 pages, page 377. — LADRIÈRE (J.): La Spiritualité des laïcs d'aujourd'hui. Evangéliser, nº 50, octobre 1954. — LAMBERT: Malaise de la conscience chrétienne devant les tâches contemporaines. Revue Nouvelle, 16 juin 1954. — LEBRET (L.-J.): Montée humaine. Edit. Ouvrières, Paris 1951, 206 pages. — Tensions du monde moderne. Economie et Humanisme, numéro spécial, mars 1952. — LUBAC, (H. de): Paradoxes. Paris, Edit. du Livre Français, 1946, 123 pages. — Méditation sur l'Église. Paris, Edit. Aubier, 1953, 285 pages. — MARITAIN: Humanisme intégral. Edit. Aubier, Paris, réédité 1947, 317 pages. — MAYEUR (R.): La théologie fournit-elle des bases dogmatiques à l'engagement du laïc dans les réalités temporelles. Revue diocésaine de Metz, nº 4, avril 1950, page 124. — MONTCHEUIL (Y. de): Le Rôle du chrétien dans l'Église. Paris, Edit. Orante. — Aspects de l'Église. Paris, Edit. du Cerf, 1949, 169 pages. — Problèmes de vie spirituelle. Paris, Edit. de l'Epi, 1956 (réédition). — NOUBEL (J.-F.): Le Laïcat, raison d'être du pastoral, d'après le Droit canonique. Prêtres Diocésains, nº 2, février 1954. — Responsabilité des laïcs dans l'Église d'après le Code de Droit canonique. Prêtres Diocésains, nº 8, octobre 1954. — MOUNIER (E.): Feu la chrétienté. Paris, Edit. du Seuil, 1950, 257 pages. — MOUNIER (E.) et THIBON (G.): Foi en Jésus-Christ et monde d'aujourd'hui. Semaine des Intellectuels catholiques. Paris, Edit. de Flore, 1949. — PERRIN (J.-M.): Les Lois de l'action chrétienne. Liège-Paris, Office Général du Livre, 1950, 85 pages. — SONNET: Tâches chrétiennes (propres au laïc et au prêtre). Revue Action Populaire, nº 70, juillet 1953. — SORAS (A. de): Action catholique et action temporelle. Paris, Spès, 1938, 224 pages. — Les Rôles respectifs du laïc, du prêtre, du religieux au sein de l'action ecclésiale. Revue Action Populaire, nº 80, juillet 1954. — De plus, nombreux articles dans les revues: Travaux, 1949; Action Populaire, août 1951, avril 1954, etc. — SUHARD (Cardinal): Essor ou déclin de l'Église. Paris, Lahure, 1947, 71 pages. — Le Prêtre dans la cité. Lahure, 1949, 98 pages.

[6] Voir Questionnaire nº B, page 71.

[7] Voir Questionnaire nº C, page. 71.

[8] A ce sujet, voir:

        BARREAU (H.): Efficacité chrétienne (conférences Radio-Vatican). Paris, Castermann, 1948, 85 pages. — CONGAR: Efficacité temporelle et message évangélique. Revue Nouvelle, nº 1, 15 janvier 1953. — LEBRET: De l'efficacité politique du chrétien. Paris, Economie et Humanisme, 1946, 342 pages. — PIAT (S.): Principes et paradoxes de la vie militante. Paris, Edit. Franciscaines, 1946, 270 pages. — SUAVET (Th.): Efficacité de l'Église. Masses Ouvrières, juin 1953. — VARILLON (F.): Valeurs chrétiennes de l'action temporelle, Masses Ouvrières, nº 70, décembre 1951; nº 71, janvier 1952. — Voir aussi les numéros 62 (février 1955) et 63 (mars 1955) de la revue Efficacité (Economie et Humanisme), L'Arbresle, Paris.

[9] Voir Questionnaire nº D, page 71.

[10] Voir Questionnaire nº E, page 71.

[11] Quelques textes (par analogie):

        Pour les questions mixtes, la conduite la plus conforme à la nature et aux plans de Dieu, ce n'est pas de séparer les deux puissances, encore bien moins de les mettre en lutte l'une contre l'autre, mais d'établir entre elles des rapports de concorde en harmonie avec leurs causes les plus prochaines, celles mêmes qui ont des principes immédiats auxquels les deux sociétés empruntent respectivement leur raison d'être». (LÉON XIII - Immortale Dei).

        Â«Entre les lois qui régissent la vie des fidèles chrétiens et les postulats essentiels de l'humanité, il n'y a pas de conflit, mais, au contraire, communauté et mutuel appui». (PIE XII - Encyclique Summi Pontificatus, 20 octobre 1939).

        Â«Pour quiconque, fier du nom de chrétien, se fait gloire de professer inviolablement la loi du Christ par une conduite de vie conforme à ses lois, une telle disposition à travailler en commun dans un esprit de véritables solidarité fraternelle dépasse la simple obligation morale des devoirs civiques; elle se hausse à la dignité d'un postulat de conscience, soutenue et guidée par l'amour de Dieu et du prochain, auxquels les leçons des événements présents viennent ajouter une vigueur nouvelle». (PIE XII, 1er septembre 1944).

        L'Église n'est pas une forteresse dans laquelle il faut s'enfermer et se défendre. Le chrétien n'est pas un partisan; il n'est l'ennemi de personne; il ne cherche à triompher d'aucun adversaire. L'esprit de caste lui est étranger». (PIE XII - Congr. euch. de Nantes, 4-7-47. Cité par Poirier: Les Chrétiens et la politique, page 30).

[12] Voir Questionnaire nº F, page 71.

[13] «Vous avez été appelés à la liberté; seulement, ne faites pas de cette liberté un prétexte pour vivre selon la chair (c'est-à-dire selon le seul point de vue «naturel», selon l'homme coupé de son Créateur et de son Rédempteur), mais rendez-vous, par la charité, serviteurs les uns des autres...». (Gal., v. 13).

        Â«La prudence doit être telle que la Sainte Ecriture la définit et la rappelle bien souvent: la prudence des fils de Dieu, la prudence de l'esprit, celle qui ne doit pas être et qui n'est pas la prudence d'une chair débile, paresseuse, alourdie, égoïste, mais qui est la prudence d'un esprit vigilant, prompt à discerner et savoir ce qu'il fait et ce qu'il dit». (PIE XI - Discours à l'Assemblée de l'Action Catholique, 17-5-31).

        Voir SAINT THOMAS - La Vertu de Prudence (Somme Théologique, Editions de la Revue des Jeunes, Desclée, Paris).

        Vertu de l'action, la prudence requise du membre d'un mouvement d'Église ne le conduit pas à l'abstention, mais à un discernement supérieur.

        Â«Le prophète est d'abord celui à qui l'Esprit-Saint, qui est l'auteur de cette histoire [de l'Economie Divine], en donne l'intelligence».

        Â«Le but de l'effusion de l'Esprit sur le prophète est de faire de lui le témoin et l'agent de l'accomplissement du plan historique de Dieu. L'Esprit de Prophétie est d'abord «esprit d'intelligence».

        Â«... La purification de l'Apôtre sera d'abord une purification de ses vues charnelles et humaines, de ce que saint Paul appelle les «pensées de la chair».

        Â«Ceci constitue une entière abnégation. c'est dans cette perspective qu'il faut comprendre l'obéissance. L'obéissance est le moyen principal et nécessaire de cette mort de la volonté propre qui la rend capable de revêtir la volonté divine. C'est essentiellement une voie d'union». (DANIÉLOU - Le Mystère de l'Avent. Paris, Ed. du Seuil). C'est aussi le moyen d'assurer l'indépendance de l'Église et de PAX CHRISTI. On peut, en effet, appliquer, au moins analogiquement, à notre Mouvement cette citation de Pie XI:

        Â«L'action Catholique se déroule en dehors de tout parti politique. La politique pour la politique, la lutte politique, la lutte des partis, l'Action Catholique ne peut pas la faire, elle n'entend pas faire la politique d'un parti, ni être d'un parti». (PIE XI, 30 octobre 1926 - Cité par Poirier: «Les Chrétiens et la politique», page 48).

[14] Voir Questionnaire nº G, page 71.

[15] «Il n'est pas permis d'avoir deux manières différentes de se conduire, l'une en particulier, l'autre en public, de telle sorte que comme individu on se soumette à l'autorité de l'Église, en la rejetant comme citoyen». (LÉON XIII - Immortale Dei).

        Sur l'obéissance, envisagée sous cet aspect, consulter:

        DE BOVIS: De l'obéissance à l'Église. Nouvelle Revue Théologique, janvier 1948. — CAMELOT: Obéissance et liberté. Vie Spirituelle, février 1952. — DANIÉLOU: Obéissance à Dieu et engagement temporel. Etudes, mars 1954. — DE LUBAC: Méditation sur l'Église. Aubier. — DE SORAS: Doctrine catholique des exigences et des limites de l'obéissance. Revue Action Populaire, décembre 1953. — L'Obéissance à l'Église. Anneau d'Or, avril 1954. — Conversations catholiques de saint Sébastien. Cahier sur l'obéissance.

[16] Voir Questionnaire nº H, page 71.

[17] «Personne ne doute que le divin fondateur de l'Église, Jésus-Christ, n'ait voulu que la puissance ecclésiastique fût distincte de la puissance civile, et que chacune fût libre et apte à remplir sa mission propre, avec cette clause toutefois, qui est utile à chacune des deux puissances et qui importe à l'intérêt de tous les hommes, que l'accord et l'harmonie régneraient entre elles et que, dans les questions qui appartiennent à la fois au jugement et à la juridiction de l'une et de l'autre, bien que sous un rapport différent, celle qui a charge des choses humaines dépendrait, d'une manière opportune et convenable, de l'autre qui a reçu le dépôt des choses célestes». (LÉON XIII - Arcanum, 10 février 1880).

[18] Voir Questionnaire nº 1, page 71.

[19] «Il y a parfois une certaine tension entre le prophétisme inspiré et l'action hiérarchique. Qu'on se rappelle un Savonarole, qu'il fut question de canoniser. L'exemple des communautés apostoliques devrait souffre à prouver qu'une telle tension n'a rien de nécessaire, et surtout qu'elle ne doit pas devenir une opposition. Plutôt que l'élimination d'un facteur par l'autre, il témoigne de la possibilité de leur harmonieuse collaboration pour le bien de tous. L'autorité doit non pas mépriser l'inspiration du prophète, mais seulement la contrôler, et réciproquement les inspirés ou prophète, mais seulement la contrôler, et réciproquement les inspirés ou prophètes sont rappelés au devoir de respecter les règles posées par l'autorité pour l'exercice de leur activité. C'est ainsi que «tout le corps coordonné et uni par les liens des membres qui se prêtent un mutuel secours et dont chacun opère selon sa mesure d'activité, grandit et se perfectionne dans la charité» (Eph., IV, 16). — DUBARLE (A. de): Prophétisme et apostolat des laïcs dans le Nouveau Testament. La vie Spirituelle, nº 328, avril 1948.

        Voir également:

        GANNE (P.): Le Prophète et le Sacrement. Masses Ouvrières, nº 42, mars 1949. — GERLAUD (M.-I.): Le Laïc «homme de l'esprit». Masses Ouvrières, nº 72, février 1952. — NICOLAS (J.-H.): La Part des mouvements de laïcs dans l'avancement du Royaume de Dieu. Cahiers du Clergé Rural, nº 141, octobre 1952.

[20] «Sans ce respect profond et filial pour le pasteur du diocèse, «Sacerdos et Pontifex», expression la plus complète du pontificat du Christ, et sans cette obéissance loyale aux directives du Pape, «Vicaire de Jésus-Christ», il n'est pas d'apôtres. Le laïcat n'a de sens que dans ces perspectives, où l'ordre rejoint la mystique, en la personne des pasteurs. Dès lors, ni «laïcalisme», ni «cléricalisme»: il faut que tous, prêtres, religieux ou laïcs, nourrissent à l'égard de la Hiérarchie un esprit d'obéissance vraiment filiale, dans une confiance réciproque. A tous ces signes on reconnaîtra la marque et le souffle de l'Esprit-Saint». (CARDINAL SUHARD - Essor ou déclin de l'Église, page 56).

        Â«Il faut que eux qui s'y livrent [à l'action apostolique] ne soient pas seulement «dans» l'Église, mais «de» l'Église». (CARDINAL SUHARD, idem, page 55).

        Â«Mais l'Église enseignante ne reçoit pas d'en bas son autorité. Se rappeler la formule censurée par le décret Lamentabili du 3 juillet 1907: «Dans la définition des vérités, l'Église enseignante et l'Église enseignée collaborent de telle sorte que l'Église enseignante ait pour unique tâche de sanctionner les opinions communes de l'Église enseignée».

        Sur l'attitude filiale (à la fois initiative, collaboration et docilité) du laïcat à l'égard de la hiérarchie, voir:

        CARDINAL FELTIN: Le Sens de l'Église (Carême 1951). — SERTILLANGES: La Fidélité à l'Église. sur les rapports et le rôle respectif de la hiérarchie et du laïcat, cf. la note 54 (bibliographie).

[21] Voir Questionnaire nº J, page 71.

[22] «Pour affirmer l'indépendance de l'Église et la tenir au dehors des luttes politiques, l'Assemblée des Cardinaux et Archevêques de France rappelle que les candidats aux élections ne doivent ni se présenter sous l'étiquette de catholiques, ni faire état de leur qualité de membres d'une organisation catholique». (Communiqué du Secrétariat de l'Episcopat, 9 novembre 1955).

        Il faut bien situer, en effet, écrivait J. Maritain avant la guerre, «le plan du temporel, où nous agissons comme membres de la cité terrestre et où nous devons agir en chrétiens et sous nos responsabilités et nos invitations personnelles, à nos risques et périls, non en tant que chrétiens ou comme missionnés par l'Église; il s'agit de la vie terrestre des hommes, considérée du point de vue des lois propres de cette vie et du bien terrestre auquel elle est ordonnée...

        ... Il y a un jugement du catholicisme sur le devoir de travailler à la paix internationale et sur les principes de la justice sociale; mais ce jugement ne suffit pas à me dire ce que je dois penser de la loi des quarante heures et du statut de la S.D.N. A moi d'en juger en catholique (autant que possible avec une intelligence catholique, plutôt qu'avec des partis pris catholiques), mais sans prétendre parler au nom du catholicisme, ni entraîner dans mon chemin les catholiques comme tels». (JACQUES MARITAIN - «Question de conscience», p. 181).

[23] Voir Questionnaire nº K, page 71.

 

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